• Sapa et "Les Alpes du Tonkin"

     Cela fait quelques jours que je vois, abondamment relayé, un article d'un journaliste de l'AFP sur les réseaux sociaux, les sites spécialisés et même la "Grande" Presse, un article qui m'agace un tantinet.

    Je vais me calmer en répondant à l'intérieur de cette prose .

     

    AU VIETNAM, LE BOOM DU TOURISME MENACE LES "ALPES DU TONKIN"

    On ne s'entend déjà pas avec l'auteur sur le titre. Pour lui, Alpes du Tonkin, terme non officiel, c'est juste la petite ville de  Sapa, pour moi. c'est une bande de 600 km sur 200 km approximativement.

    Plutôt que de gravir à pied ce pic de 3.143 mètres, la plupart des visiteurs préfèrent aujourd'hui se faire transporter jusqu'au sommet en 20 minutes.
    La région est en pleine révolution technologique, avec des retombées positives pour l'économie locale mais également des conséquences lourdes pour certains habitants.

    A Chamonix, il y a deux téléphériques, celui de l’Aiguille du Midi et celui du Brévent sans parler d'Argentière.

    L'authenticité de Sapa avant le téléphérique et l'autoroute

    La petite ville de Sapa, ancien poste militaire français de cette région montagneuse autrefois isolée, est désormais reliée par une autoroute directe depuis Hanoï et les hôtels y poussent comme des champignons. Le nombre de chambres y est passé de 2.500 en 2010 à 4.000 l'an dernier, selon les autorités.

    En fait d’autoroute, c’est une 4 voies (et pas toujours), mais qui ne met plus Sapa  qu’à   5 heures de Hanoi. Sapa est, effectivement en pleine phase de construction, c’est un énorme chantier et, pour l’instant  le centre ville n’est guère avenant.


    En 2015, la ville a accueilli quelque 700.000 visiteurs et a vu ses revenus tripler depuis 2010.
    "C'est bon pour Sapa de pouvoir attirer autant de touristes... Et cela donne du travail à de nombreux habitants locaux", se réjouit Nguyen Van Manh, vice-directeur de l'office du tourisme de Sapa.
    Mais tous ne sont pas du même avis.
    "Désormais, avec le téléphérique, les habitants du village (qui étaient guides) n'ont plus de travail. La plupart travaillent comme journaliers sur des chantiers de construction", critique Ma A Tro, un habitant local qui a eu la chance de pouvoir continuer à vivre de son travail de guide.

    Le Fan Si Pan, malgré ses 3140 m est couvert de végétation jusqu’au sommet. Son ascension, guère intéressante, (en regard des treks dans les vallées, au milieu des rizières en terrasses) n’attirait pas grand monde. Les guides qui l’assuraient sont maintenant ravis du nouvel afflux de  touristes plus friqués et qui les emploient sur des treks parfois de plusieurs jours

    Et "si les constructions se poursuivent, un jour nous perdrons Sapa", se désole le guide local Giang Thi Lang, de l'ethnie Hmong, très présente dans la région.
    - Victime de son succès –

    Il y a belle lurette que Sapa ne vit que du tourisme et qu’elle est peuplée par des H’Mong et Dao qui vendent leur production (ou Chinoise) aux touristes. Les professeurs des écoles vont dans les villages inciter les parents à envoyer leurs enfants à l’école plutôt que d'aller mendier en ville, pendant la haute saison. Ils gagnent ainsi, bien plus que leurs pères dans leurs rizières.

    Pour l’authenticité,  on va voir ailleurs depuis très longtemps


    La transformation de la station n'est en effet pas du goût de tous. Certains craignent de voir la ville et ses fameuses rizières en terrasses défigurées par les nouvelles constructions. Le sommet du Fansipan, lui, est déjà bétonné et envahi par les boutiques de souvenirs.

    Le problême est que les constructions se font toutes en même temps, et que Sapa est, à l’heure actuelle est un gigantesque chantier. . Mais les hôtels sont construits au dessus de la vallée, dans la ville, pas dans les rizières.

    L’effet pervers, est que le marché a été déplacé à la périphérie, que la circulation les jours de fête Vietnamiennes est épouvantable en centre ville.

    De fait, les touristes étrangers sont de plus en plus nombreux à visiter le Vietnam, considéré comme encore préservé du tourisme de masse, contrairement à son voisin thaïlandais notamment.

    Et ces touristes veulent à 90%, aller à Sapa, alors que les « Alpes Tonkinoises s’étirent sur 600 km.  Chamonix, n'est pas les Alpes.Alors que des rizières en terrasses, il y en a de magnifiques, ailleurs, qu’à Sapa il y a encore et pour longtemps des locaux qui organisent des randonnées et treks dans une nature authentique. Que voulez vous ? on veut être explorateurs et aventuriers mais loger dans des hôtels ****, manger pizza ou  spaghetti, et bénéficier d’un spa. C’est à cela que Sapa se prépare. Pourquoi voudriez vous qu’ils rejettent cette clientèle bien plus lucrative que les routards.

    Pour les amoureux d’authentique, de paysages restés naturels, de contact avec des habitants non parqués, dans tout le reste des « Alpes du Tonkin », il reste des milliers de logements, du 2* au logement chez l’habitant, dans une maison sur pilotis d’une famille Tay ou Muong ou Dao. Mais ne réclamez pas une piscine pour vous délasser le soir, bien que Dao et H’Mong peuvent vous préparer un bain aux herbes médicinales.

    Sen, la petite maman H'Mong Noir, continuera de suivre les touristes dans le paysage magnifique de Lao Chai pour leur vendre ses broderies

    Mais le pays communiste, (pourquoi cette précision? C’est justement parce que le pays se libéralise que les sociétés privées se jettent dans l’investissement touristique ) qui a supprimé l'an dernier les visas pour de nombreux pays occidentaux précisément pour attirer les touristes, paye le prix de son succès.
    La baie d'Halong, joyau touristique du pays, est asphyxiée par le tourisme, saturée de bateaux emplis de visiteurs, et subit la pollution qui en découle.
    La presse officielle s'est même offusquée cet été de banquets de luxe organisés dans les grottes d'Halong, classées à l'Unesco.

    Toutes les activités dans la Baie d’Halong sont réglementées justement par l’UNESCO. L’itinéraire de la jonque doit être déposé avant son départ et elle est suivie par balise GPS. Mais, évidemment, le touriste de masse et à bon marché se retrouve aux mêmes heures aux mêmes endroits. Pas un touriste ne veut rater la Merveille Naturelle du Monde, classée deux fois par l’UNESCO. Mais la plus grande partie de la Baie est interdite, donc, bien préservée.

    Quant à la pollution, qui peut  distinguer celle touristique de celle du large de la Mer Orientale, des Tankers qui traversent  le chenal entre Bai Tu Long et Halong. Quant à celle des villages de pêcheurs, elle diminue forcément, puisqu’ils sont encouragés à aller vivre sur terre.

    Il y a 1969 îles et îlots dont  5 ou 6 dans lesquels sont organisés des repas. Les lieux sont nettoyés  et préservés sous peine de perte de licence.

    Le fait que des  compagnies Taiwanaises louent des canots  rapides pour faire du slalom entre les pics et les jonques me choque beaucoup plus

    Mais malgré les promesses d'action du régime à parti unique, l'heure n'est pas encore à la régulation dans le secteur du tourisme. 
    - Grogne des habitants -
    A Sapa, l'ouverture du téléphérique, qui peut transporter 2.000 touristes par jour au sommet du mont Fansipan, a joué un rôle clef dans cet emballement touristique.

    Lorsqu'un voyageur vient au Nord Vietnam, il tient, fort justement à aller visiter la Baie d'Halong, et il souhaite aussi,  aller voir les ethnies minoritaires. Pratiquement tout le temps, les agences  lui vendent Sapa où il est facile d'organiser un séjour. Sur un circuit complet, grâce au train de nuit et, maintenant la dite "autoroute" on dépense peu de jours pour y aller.

    Alors, il faut bien leur construire ces hôtels  qui sont concentrés en ville

    Si vous voulez voir de l'authentique, il vous faudra 5 jours, par exemple, pour aller à Dong Van/ Méo Vac/ Bao Lac et payer plus cher, car il faut voiture+ chauffeur+ guide quasiment obligatoires.

    Des paysages qui rendront toujours cette ville attrayante

    Le gouvernement a fait peu de cas de l'opposition des habitants à la construction de ce téléphérique, qui a fortement réduit le nombre de marcheurs entreprenant l'ascension.

    Déjà qu'il n'y en avait pas beaucoup!

    Duong Hoang Minh, touriste vietnamien qui a décidé de faire l'ascension à pied, se dit "déçu" par le sommet du pic, ayant imaginé que "cela ressemblerait à un lieu naturel".
    Mais ce jeune enseignant de 23 ans ne boycotte pas pour autant le téléphérique: il l'emprunte pour redescendre.
    Cette innovation a beau être controversée, elle rend le sommet accessible à ceux qui ne peuvent randonner pendant deux jours pour y parvenir, plaide-t-il, malgré sa déception.
    Les inquiets restent néanmoins nombreux.
    Comme Hubert de Murard, à la tête de l'"écolodge" Topas, fait de petits bungalows qui se fondent dans le paysage à une vingtaine de kilomètres de Sapa. "Certains investissements à Sapa relèvent d'une vision à court terme, pour développer le tourisme de masse", déplore-t-il.

    Eh bien! Je préfère un hôtel noyé dans une ville qu'un établissement "qui se fond dans le paysage" mais qui gâche néanmoins un beau site. Ce n'est pas parce qu'un bâtiment a un toit de palme qu'il ressemble à un habitat local. Vous êtes amateurs d'authentique et de naturel, alors allez loger chez l'habitant, à quelques kilomètres de Sapa, dans la maison d'une famille Dao, à Ta Phin, par exemple et la nature dans laquelle vous serez immergés sera plus époustouflante que le sommet du Fan Si Pan, maintenant, hier ou autrefois, que vous y alliez à pied  ou en téléphérique

    En 2015, 7,9 millions de touristes étrangers se sont rendus au pays, soit une légère croissance par rapport à 2014. Le secteur touristique a enregistré une recette totale de 337.830 Mds de dôngs (15,4 Mds USD)

    Nombre de visiteurs selon la provenance: 

    Europe 15 % dont 4 % de Français, Amérique 13%, Océanie 7%

    Asie: 65% sans compter le tourisme interne des Vietnamiens

    Vous comprendrez que le développement se fasse plutôt selon les goûts des asiatiques, qui aiment voyager collectivement, que selon les goûts des Français, individualistes.

    Vendeuses H'Mong Noir sur un trottoir de Sapa. Ce sont les restaurants qui viennent acheter leurs légumes. Et vous pensez qu'elles sont contrariées de l'afflux touristique?

     C'est vrai que Sapa est en pleine expansion et qu'on se pose des questions sur la rentabilité de tous ces hôtels qui ne fonctionneront, au mieux que 9 mois sur 12, ainsi que la circulation en centre ville déjà très difficile en période des fêtes Vietnamiennes. Ce n'était déjà pas une destination très naturelle, alors elle ne changera pas de genre!

    Les Français, principalement amateurs de "Hors des sentiers battus" pourront aller "chez l'habitant" profiter des paysages des vallées environnantes en randonnant auprès d'une population accueillante, pas seulement par intérêt.

    Bienvenue aux Asiatiques, Américains ou autres qui préfèrent voyager tout confort et en groupes, Sapa leur tend les bras, il en faut pour tout le monde!

    Et je vais vous dire. Si je vais à Sapa par obligation, malgré ses hôtels et son téléphérique, je lui trouve toujours un charme fou, circulant au milieu de H'Mong, Dao Rouge et touristes, j'aime aller dans une galerie de peinture, acheter parka et chaussures Northface à bas prix . Je vais derrière l'ancien marché manger un Bun Cha dans un resto dont je suis le seul client occidental, au milieu des mamans H'Mong Noir et de leurs marmots. L'authenticité peut-être aussi faut-il la chercher!.

    Sur les 120 000 km2  des "Alpes du Tonkin" le Vietnam est très riche en sites montagnards somptueux qui réservent des paysages et des contacts avec  des ethnies peu habituées à rencontrer des occidentaux, flattées qu'on s'intéresse à eux, pour peu que l'on respecte leur culture plutôt que de vouloir imposer la sienne, comme c'est le plus souvent le cas.

     Et ce qui suit est bien dans les "Alpes du Tonkin", mais bien loin de Sapa

     

     

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  • Commentaires

    3
    Mercredi 9 Novembre 2016 à 08:56
    Quynh

    Remarques très judicieuses.

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    2
    Fabienne
    Mercredi 9 Novembre 2016 à 08:47

    BRAVO! Bien dit, Merci!

    Si Sapa reste facile, il faut cependant comme vous le suggérez s'écarter le long de cette chaîne du haut Tonkin , possible aux environs de Sapa, ou plus loin....

    Que l'on cesse donc de vendre Sapa comme préservé et à tout prix comme certains le font, par affection pour la destination (?) ou plus souvent par facilité..

    C'est AUSSI à nous touristes d'avoir la curiosité d'aller voir ailleurs et aux professionnels de nous y encourager.

      • Vendredi 11 Novembre 2016 à 06:39

        Merci Fabienne. Mais c'est vrai que nous, les résidents depuis longtemps au Vietnam, qui parcourons ce superbe pays, il est difficile d'être objectif, car la grande exception de ce pays, ce sont ses habitants avec qui nous tissons des liens d'amitié qui enjolivent notre perception. J'essaie de me placer (sans souvent réussir) dans le sillage des amis que j'accompagne à travers rizières et montagnes, j'essaie d'avoir du recul, même si on ne pourra jamais me faire dire du mal, par exemple,  de Loan (qui ne le mérite d'ailleurs pas) qui est une amie de ma femme, de moi-même et qui a tant de prévenances pour nous. 

        La  différence avec mon copain (?), c'est que les bons coups, je les garde égoïstement pour moi et mes amis, tel le chercheur de champignons. Déjà qu'on est en train de me foutre en l'air la pseudo "route des photographes".........

         

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