-
Le Betel
Le Betel au Vietnam
Très souvent, je vois des personnes âgées, des femmes, surtout mastiquer un amalgame végétal et cracher une salive rouge. Leurs dents sont écarlates. Lors des mariages de nombreux plateaux de betel sont proposés aux ainés, présentés aussi sur l’autel des ancêtres, car la chique de Bétel est profondément ancrée dans la culture Vietnamienne.
LA CHIQUE DU BÉTEL
Jadis, sous le règne du roi Hùng Vuong IV, vivaient deux frères, Cao Tân et Cao Lang. Ils se ressemblaient tellement qu'il était difficile de les distinguer. Ils suivaient les cours d'un vieux maître du village qui avait une fille unique dont la beauté recueillait tous les hommages de tous les jeunes gens de la région.
Le vieux maître se prit d'affection pour les deux. Il désirait accorder la main de sa fille à l'un d'eux, de préférence à l'aîné, car selon la coutume vietnamienne, l'aîné devait en principe se marier le premier. Pour arriver à les distinguer, il eut recours à un petit subterfuge en les invitant à dîner chez lui. Le premier à prendre les baguettes serait l'aîné.
C'est ainsi que Cao Tân obtint la main de la jeune fille. Il ne se doutait pas un seul instant que son frère cadet lui aussi vouait à cette dernière un ardent amour . Les deux frères continuaient à vivre ensemble dans une harmonie parfaite. Cao Tân faisait tout pour rendre son frère cadet heureux. Mais celui-ci, malgré l'affection de son frère, n'arrivait pas à refouler les peines de son cœur. Il décida de les quitter et partit à l'aventure. Après plusieurs jours de marche, il finit par tomber d'épuisement sur la route et fut transformé en un bloc de calcaire d'un blanc immaculé.
L'aîné, pris d'une inquiétude grandissante pour son frère, partit à sa recherche. Par un miraculeux hasard, il suivit le même chemin.
Un matin, après plusieurs de jours de marche, il atteignit le bloc de calcaire. A peine assis dessus, il tomba mort d'épuisement. Il fut métamorphosé en un bel arbre longiligne avec des palmes vertes et des petits fruits oblongs. L'arbre commença à étendre sa ramure et son ombre au dessus du bloc de calcaire comme pour le protéger des intempéries.Restée sans nouvelles de son mari, la jeune femme quitta à son tour la maison et se mit à sa recherche. Elle parcourut champs et prairies, traversa de nombreux villages, et arriva enfin un jour près de l'arbre. Épuisée par la marche, elle s'adossa au pied de l'arbre, mourut à son tour et fut changée en une liane aux larges feuilles d'un vert intense en forme de cœur dont la tige s'enroule autour du tronc de l'arbre.
Il y eut, bientôt une période de sécheresse telle, que tous les arbres moururent, à l'exception de l'arbre et de la liane. Les habitants affamés s'en nourrirent et aimèrent associer le sucré de la noix de l'aréquier et l'acidité de la feuille de bétel. Associé à la chaux du calcaire, le mélange donnait 4 saveurs,le sucré, le piquant, l'acre et l'amer qui créait une salive rouge, la couleur de la fidélité, celle de la jeune fille envers Cao Tân.
Cette légende explique l'origine de l'ancienne coutume des Vietnamiens de mastiquer des feuilles de bétel mélangées à de la chaux et de la noix d'arec. Des feuilles de bétel et des noix d'arec font obligatoirement partie des cadeaux de mariage : elles symbolisent l'union éternelle.Le bétel, ce sont des feuilles cirées d’un vert métallique que l’on recouvre d’un peu de chaux qui va agir comme un catalyseur. Cette chaux est obtenue en broyant des coquillages. On va aussi rajouter un peu de noix d’arec. C’est le fruit d’une variété de palmier : Areca Catechu. C’est cette noix qui fait saliver rouge. Enfin, on rajoute du tabac sous forme de feuilles séchées et pliées. Tout ceci est mélangé directement dans la bouche. On peut rajouter, parfois de l’écorce de la racine d’Atocarpus.
Ce mélange a des vertus médicinales. C’est un excitant, il est antiseptique, diminue les caries, lutte contre les rhumatismes, le ballonnement, guérit par frottement les furoncles, régule le rythme cardiaque. Tout ceci serait idéal si on ne soupçonnait pas fortement ce produit d’être cancérigène. Qu’importe, on meurt du cancer avec de belles dents et le cœur en pleine forme.
Culturellement. L’aréquier qui tend vers le haut, représente le Yang (le ciel), la chaux représente le Yin (la terre), il participe à l’accueil par la famille :
« Mieng trau la dau cau duyen » : Avant de causer, il faut chiquer
Quand on demande à une jeune fille quand elle va se marier : « Quand vas-tu nous inviter à mâcher du bétel ? »
Anciens pots à chaux
Nécessaire à bétel Mortier et pilon
Mais ces étals de bétel et de noix d’arec qui ne rapportent pas suffisamment pour payer les taxes de marché sont repoussés vers la lisière des halles. Les clients viennent principalement pour avoir des noix à l’occasion des mariages, mais le temps n’est plus où l’on présentait 2 ou 3000 feuilles de bétel, où il fallait choisir les meilleurs variétés de bétel-canelle, bien poivrées, où les jeunes filles offraient à leur amoureux des mouchoirs à betel avec des messages sentimentaux.
On ne présente plus que quelques centaines de noix et quelques unes seulement seront prélevées par des septuagénaires attachés au sort originel du bétel et de la noix d’arec.
Cependant, avec ce parfum d’antan, cette culture au charme discret demeure masquée et indéfectible »
(article paru dans Phu Nu (Femmes) 1999)
Tags : betel, arec, vietnam, noix d'arec
-
Commentaires
une jolie et triste légende!!!mais elle ne me donne pas envie de macher du bétel....
A bientôt